Intervention en Centre de loisirs : Médiation culturelle.

Depuis les vacances de février 2021, j’interviens dans les Centres de loisirs (CLSH) pendant les congés scolaires (Dans le respect des règles sanitaires en vigueur).

J’interviens auprès des petits – 3 ans à 5 ans – et des plus grands – 6 ans à 10 ans. J’adapte bien sûr les projets créatifs à l’âge des enfants. Au-delà de la réalisation d’une création dirigée qui reste guidée par la singularité de chaque enfant, ses émotions, je saisis l’occasion pour transmettre aux enfants des notions techniques, des connaissances en Histoire de l’Art, adaptées à leurs compétences cognitives, mais aussi ce qu’est ma démarche artistique en tant qu’artiste professionnelle, comment nait une oeuvre, ce que veut dire « voir » et « regarder » une oeuvre d’Art, afin de faire porter aux enfants plus globalement un autre regard sur leur environnement.

Découvrez les dernières animations que j’ai mises en place et les oeuvres créées par les enfants. Celles-ci sont restituées à l’issue de mes interventions et viennent décorer le Centre de loisirs.

Oeuvres collectives : Interventions en Centre de loisirs.

« Monstres méchants, monstres gentils ! » Intervention du lundi 25 avril 2022, CLSH de Sare, 64310.

Réalisation : Fresque.

Préambule : « Raconte-moi une histoire ! » une injonction légitime, le conte. Un droit à se protéger. Un enjeu sociétal pour lutter contre les violences intrafamiliales, la discrimination et le harcèlement.

Les enfants entre 3 et 10 ans découvrent au travers de livres illustrés qu’on leur lit (parents ou professionnels de l’enfance et enseignants) ce que l’on appelle communément des « histoires ». Le parent ou professionnel introduit ce temps par « Viens/Venez je vais te/vous lire une histoire ». Mais aussi l’enfant une fois qu’il a découvert les « histoires » nous adresse cette injonction légitime, en retour : « Raconte-moi une histoire ! »

Souvent, il s’agit d’un conte, auquel cas le parent/professionnel le précise « C’est un conte ». Ainsi nous introduisons un genre littéraire universel qui a pour vocation de faire découvrir à l’enfant un premier univers narratif, sinon le premier. Ce genre narratif sera repris au programme de collège.

Tout enfant ayant un développement verbal normal, posera cette question : « C’est quoi un conte ? ». Leur répondre est essentiel afin de les sécuriser, ce qui est le premier rôle d’un parent et d’un professionnel, sécuriser, rassurer par notre capacité à donner une réponse. 

Le conte, comme premier récit adressé à l’enfant, a pour objet de raconter une histoire « qui n’est pas vraie ». Un enfant qui aura reçu depuis sa naissance grâce en premier lieu à ses parents ou des référents parentaux, un encadrement « suffisamment bon » (Winnicott) sera en capacité émotionnel de recevoir, d’écouter et d’entendre une histoire, un conte, y compris qui peut faire peur, et ce, parce qu’il est dans un environnement « contenant » (Winnicott). La peur qui peut surgir pendant le récit sera atténuée par la présence rassurante du parent ou professionnel. La peur suscitée dans les contes apparaît du fait d’un enjeu sous formes d’épreuves à surmonter. En effet, le personnage principal, le héros ou l’héroïne, qui est bon, qui n’est pas un méchant, va devoir faire face à des situations qui le confrontent à des problèmes qu’il va devoir résoudre, ce sont les péripéties. Il va devoir faire des choix « les bons choix », mais parfois il fait les « mauvais choix » ; tout cela, cette dramaturgie, héritée de notre patrimoine culturel mondial, depuis la « nuit des Temps » de l’Antiquité à nos jours, met en place dans l’inconscient de l’enfant des schémas qui ne sont pas à prendre à la légère. Le héros doit faire face à divers personnages qui sont normalement bien identifiés dans le récit. Et en l’occurrence, c’est la première fois que l’enfant fait face par les illustrations, les images, accompagnées de mots, à des monstres. 

Qui sont les monstres pour l’enfant ? Quelle symbolique véhiculent-ils ? Sont-ils monstrueux par leur apparence physique ? Oui souvent. Mais pour autant, sont-ils des monstres méchants ? Bien souvent, dans les contes anciens, modernes ou contemporains, la monstruosité n’est pas toujours l’incarnation du méchant. En effet, il y a des monstres gentils…A travers la découverte de ces contes, les enfants vont construire symboliquement leur imaginaire. En cela, la responsabilité des parents et professionnels est immense pour nos sociétés. Il y a les monstres gentils ou méchants identifiables physiquement parce qu’ils ne nous ressemblent pas, à nous les êtres humains. Ils sont difformes car cela répond à un code narratif.

Mais il y a aussi les monstres méchants « invisibles », non identifiables, ceux qui ont l’apparence humaine, mais qui « me » font quand-même du mal. Comment l’enfant va-t-il s’y retrouver ?

La vocation des contes est de mettre en place une forme de prévention. On peut parler de morale. Car il y a toujours une morale à la fin de l’« histoire », du conte en l’occurrence.

Le conte a pour fonction d’enseigner à nos enfants à apprendre à se protéger pour le jour où parents ou professionnels nous ne serons plus là pour offrir cet environnement protecteur « contenant » qui leur a normalement permis, quand tout va bien, de grandir et s’épanouir pour devenir des adolescents, puis des adultes équilibrés et heureux. 

Malheureusement certains enfants ont été blessés, atteints, violentés par des adultes, des proches, parents ou professionnels. C’est un sujet, un enjeu majeur dans nos sociétés aujourd’hui d’essayer de détecter à temps les violences dont certains enfants ont été victimes.

Ainsi, avoir recours à l’imaginaire de l’enfant, et ici aux monstres peut permettre de lui donner une chance d’exprimer un traumatisme qu’il ne peut pas verbaliser. L’art, l’expression et la création artistique sont des médiations parmi d’autres, qui peuvent aider à découvrir qui est le monstre méchant, celui qui m’a fait du mal, celui que je préfère conserver dans mon imaginaire, « mon conte » mais qui me coupe du réel. Aider un enfant à ne pas se dissocier, à ne pas rester enfermé dans son imaginaire en se coupant du réel est essentiel pour son équilibre mental et psychique. « Je » ne pourrais au mieux que le combattre dans mes rêves ou mes cauchemars Dans le réel, il ne peut ni ne doit y avoir de monstre méchant que « je » ne puisse combattre.

Ce droit vital, il incombe à nous adultes, de le faire connaître aux enfants. Il doit y avoir une circulation entre l’imaginaire et le réel, et non une dissociation ; il faut préserver un en-dedans et un en-dehors. C’est ce que permet l’Art.

Ainsi la médiation par le dessin et la peinture, sous la responsabilité d’un artiste, au sein d’une structure éducative professionnelle, accueillant avec bienveillance des enfants, peut aussi permettre à des enfants de se confronter aux monstres gentils et méchants en les matérialisant, en les faisant sortir de leur imaginaire le temps d’un atelier encadré, contenant et sécurisant.

Objectifs :

L’objectif de ces ateliers sera de donner aux enfants qui y participent un temps et un espace pour « exprimer » le monstre identifié ou caché, qui n’est pas toujours celui que l’on croit. Mais aussi, d’ouvrir à la tolérance à l’égard de celui ou celle « qui n’est pas comme nous », ce « nous » qui recouvre des définitions stéréotypées qui véhiculent encore aujourd’hui malheureusement trop d’idées préconçues qui nous séparent au lieu de nous faire vivre ensemble.

Déroulement de l’atelier :

Dans un premier temps, l’artiste installera les enfants assis au sol en cercle – « contenant » – dans un contexte en évoquant le conte, la lecture du conte, en proposant une définition adaptée à leur âge. Elle fera allusion aux monstres qui peuvent apparaître dans ces contes. Elle ne donnera pas d’exemples. Elle fera plutôt appel à leur mémoire pour que ce soit eux qui donnent des exemples. Comme toujours, ou souvent, certains d’entre eux prendront la parole et exposeront un point de vue. D’autres se tairont et écouteront, d’autres feront comme s’ils n’écoutaient pas, d’autres manifesteront de l’impatience, autant de possibilités que d’enfants ! 

Dans un second temps, l’artiste leur expliquera ce qu’ils vont faire, donnera des consignes : « Nous allons dessiner et peindre des monstres ! ».  Le « nous » est important car il est inclusif ; il rassure par la notion de groupe. L’enfant, même s’il dessine et/ou peint seul sur la fresque, le fait entouré des autres enfants, ses semblables en âge, et, avec les référents présents – l’artiste et l’assistante du Centre connue d’eux – qui le protègent comme doivent le faire les adultes.

 Puis les enfants s’empareront du matériel et laisseront libre cours à leur imagination, à leurs émotions, à leur créativité. Leur imaginaire parlera pour franchir la frontière du dedans vers le dehors, dans un collectif où chacun met en commun sa singularité, ce qui symbolise la société.

L’achèvement de l’œuvre autour de laquelle ils pourront parler – pour ceux qui le désirent – et la perspective de fin de séance et d’un retour à leur rythme habituel au Centre soit que ce soit l’heure de déjeuner, soit que ce soit l’heure de quitter le Centre, marquera le chemin inversé qui leur fait franchir la frontière du dedans vers le dehors. En cela, l’œuvre d’art fait office d’ « objet transitionnel » (Winnicott) et installe l’idée d’un temps et d’un espace contenant et sécurisant qu’ils peuvent retrouver et quitter sans peur.

Support : Feuille de papier Kraft grand format blanc.

Matériel : Crayons- peinture (gouache)-feutres.

Restitution : 

  • 1 fresque réalisée par 20 enfants (6-10 ans) répartis en 2 groupes.
  • Le premier groupe réalise sa partie la première heure, et le deuxième groupe continue sur la même feuille afin d’avoir les monstres sur une seule fresque.
  • La parole est donnée 5 mn avant la fin de l’heure, pour s’exprimer verbalement sur le ou les monstres que chacun-ne a créé et tenter de faire naître un récit commun.
  • Il faudra respecter le fait qu’un enfant ne veuille pas s’exprimer, l’y encourager avec bienveillance, mais ne pas insister.

Installation : Sur les murs du Centre.

Intervention au CLSH (Centre de loisirs sans hébergement) février 2021

« Peinture Anti-Covid » : Cet atelier avait pour but d’accompagner les enfants par une démarche artistique à extérioriser les émotions véhiculées par cette crise sanitaire; émotions qui peuvent chez certains générer des interrogations, parfois même des angoisses, ou pas, mais il est indéniable qu’ils en entendent parler tout le temps et le vivent tous les jours par le port du masque, les gestes barrière, les distanciations avec leurs grands-parents etc.

J’avais préparé des cartons recouverts de Gesso blanc, ils avaient à disposition des bouteilles de gouache , rouleaux, pinceaux; en guise de palette pour le mélange des couleurs, des grandes feuilles plastifiées – ces plaques qui séparent les packs de bouteilles d’eau en grande surface – plus pratiques que des godets. Dans un premier temps, nous nous sommes assis en cercle à même le sol et j’ai encouragé les enfants avec l’éducatrice présente, à s’exprimer à propos du virus; j’ai fait un peu de pédagogie sur ce qu’est un virus, puis j’ai introduit l’idée que l’Art, la peinture peut permettre de « chasser » le virus.

Attention ! L’idée n’est pas de faire naître des illusions, mais bien au contraire de leur expliquer que tout comme un conte, une bande-dessinée, un dessin animé ou un film d’animation, une pratique artistique personnelle créative a pour but, non d’éviter la Réalité, mais de permettre aux émotions diverses qui naissent en eux à chaque instant, de les sortir/les exprimer avec des « outils »/ créations, pour mieux les canaliser; au passage j’ai échangé avec eux sur les émotions qu’ils connaissaient, et fait un rappel de la liste des 5 principales émotions : joie, tristesse, colère, dégoût et peur. D’ailleurs, quand tout se passe bien, les enfants ne sont pas dupes. L’un d’entre eux m’a dit : « La peinture magique, ça n’existe pas  » à quoi j’ai répondu, les autres enfants prêtant attention « Oui, c’est vrai, tu as totalement raison; la réalité est que seul un médicament et un vaccin pourront nous aider en vrai à surmonter ce virus; mais nous savons tous que la « peinture magique », c’est comme pour combattre les monstres dans les contes, cela nous aide à mieux supporter la réalité; il ne faut pas rester enfermés dans les contes, les dessins animés, les films, ou…les jeux-vidéo, tout ceci est un jeu, pas la réalité ». Le monstre à combattre/abattre ce jour-là à l’intérieur d’un récit était le virus Covid. Leur arme : de la peinture. Ce type d’intervention, comme vous le voyez, nécessite un cadre afin que les enfants – tous n’étant pas égaux dans la gestion de leurs émotions – en retirent de l’apaisement et non de la confusion.

Déroulement :

Les enfants volontaires s’installaient à tour de rôle au centre du carton, pendant que les autres enfants avaient pour « mission » de recouvrir toute la surface de peinture. La petite histoire que nous nous sommes racontés consistait à dire que le virus n’aime pas l’Art, et qu’il ne supporte pas d’être encerclé d’artistes qui le recouvrent de peinture, et… plus c’est coloré, mieux c’est ! Ils sont rentrés à fond dans l’histoire; tous voulant peindre et « tuer » le virus, j’ai fini par jouer le rôle du virus, ainsi que l’éducatrice. Complètement entrée dans le personnage je disais : « Au secours, je n’aime pas la peinture, arrêtez, je vais disparaître » en prenant une voix connue dans leur imaginaire (le méchant, la sorcière etc.) « Ah ah, je vois encore du blanc là, il n’y a pas de peinture ici, même pas peur » Aussitôt, ils redoublaient d’énergie pour peindre et ne plus laisser une surface vide de peinture colorée, me passer le rouleau dans les cheveux jusqu’à ce que je me recroqueville, méchant virus terrassé dans mon carton. Au final, il reste ces cartons, qui décorent « leur » Centre, illustrations de la force de leurs émotions extériorisées.

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